Pour endiguer la rougeole, le Cameroun vaccine les enfants zéro-dose

Le ministère de la Santé publique du pays a lancé une campagne de vaccination massive pour arrêter la propagation de la rougeole. Cette opération a permis à 52 918 enfants âgés de six mois à 9 ans de bénéficier du vaccin.

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Un vaccinateur administre le vaccin contre la rougeole à un enfant à Yoko, région du centre du Cameroun. Crédit Messinde Otthou
 

 

Inégalité vaccinale

Pour Marguerite Monesé, 29 ans, respecter le calendrier vaccinal de son enfant est simplement un « devoir de diligence ». « Je suis ses vaccins depuis la naissance », dit-elle, quelques instants après avoir fait vacciner son filscontre la rougeole. « Je considère la vaccination comme un devoir à accomplir. Je pense que le vaccin protège les enfants de certaines maladies. Voilà pourquoi je ne permettrai pas que mes enfants manquent à un seul de leurs rendez-vous inscrits dans leur calendrier de vaccination », martèle la mère.

Monesé est enseignante à Yaoundé, dans la région du centre du pays. La vaccination des enfants est une priorité dans cette capitale. Mais, en périphérie, c’est plus complexe.

Les localités de Yoko, Ntui et Bafia, situées à quelque 250 kilomètres de Yaoundé, ont été l'épicentre d'une récente épidémie de rougeole dans le pays. Ces zones concentrent la majorité des cas de personnes contaminées, ainsi que les 10 décès enregistrés jusqu'à présent. « On note dans cette zone un faible taux de vaccination », remarque Jean Noël Messinde Otthou, épidémiologiste de terrain et membre de l'équipe dépêchée en mission de vaccination dans les zones. « Les gens ne vont pas fréquemment à l’hôpital faute de sensibilisation », dit-il. « On a découvert qu’il y avait des campements qui n’étaient même pas souvent enregistrés au niveau du district ».

« Il ne s’agit pas des grandes épidémies de rougeole comme on avait à l’époque, mais des épidémies qui sont très localisées »

Il parle des symptômes de la maladie, à partir d’une scène affreuse vécue dans les localités meurtries par l'épidémie de rougeole. « La rougeole, c’est une maladie dont la fièvre élève la température du corps des patients à plus de 39 degrés. Quelques temps après, vous voyez des boutons apparaître sur l’enfant. Ensuite, ces boutons envahissent tout le corps. Vous verrez peut-être l’enfant qui a de la toux, avec des yeux qui prennent une couleur rouge qu’on appelle conjonctivite. Lorsque les symptômes atteignent une phase critique, vous avez l’impression que la bouche de l’enfant brûle – c’est comme s’il avait pris du feu – et la plupart du temps, quand on ne réagit pas à temps, c’est la mort », décrit Otthou.

Réponse rapide et ciblée

Le Cameroun est aux prises avec une épidémie de rougeole depuis l'année dernière. A ce jour, le nombre total de cas est passé à 407 dans 44 districts. Fin février, le ministère de la Santé du pays a dépêché une équipe de 52 vaccinateurs sur les foyers de l'épidémie, les localités de Yoko, Ntui et Bafia dans la région centre du pays. Pendant cinq jours, 52 918 enfants âgés de six mois à 9 ans ont été vaccinés contre la rougeole.

Jean Noël Messinde Otthou, épidémiologiste de terrain et membre de l'équipe dépêchée en mission de vaccination à Yoko, région du centre du Cameroun. Crédit: Messinde Otthou
Jean Noël Messinde Otthou, épidémiologiste de terrain et membre de l'équipe dépêchée en mission de vaccination à Yoko, région du centre du Cameroun.
Crédit: Messinde Otthou

« La population nous attendait », indique Otthou. « La sensibilisation était facile et la riposte également, d’où la couverture que vous voyez », se réjouit-il. « Dans l’épicentre de l’épidémie, il y avait des personnes non-vaccinées depuis leur naissance. Ces personnes sont présentes dans un campement des Pygmées. Nous avons riposté à travers la vaccination de routine à ce niveau. La population a compris que l’absence de vaccination était très dangereuse pour les enfants ».

Toutes les régions du Cameroun ne sont pas touchées de la même manière par la rougeole. « Il s’agit des petites épidémies localisées dans plusieurs localités qui ne sont pas couvertes par la vaccination de routine, soit parce qu’elles sont éloignées, soit parce que la population est mobile », précise Dr Shalom Tchokfe Ndoula, secrétaire permanent du Programme Élargi de Vaccination (PEV) du Cameroun. « Il ne s’agit pas des grandes épidémies de rougeole comme on avait à l’époque, mais des épidémies qui sont très localisées. Pour lutter contre les épidémies de cette nature, nous avons opté pour une riposte ciblée ».

Coût de la vaccination

Monesé se sent soulagée d’avoir assidument suivi le calendrier de son enfant jusqu'à présent. Cependant, malgré cet effort, elle est toute de même frustrée : elle fronce les sourcils face au sacrifice financier dont elle se serait bien passée. Elle avoue avoir payé la somme de 22 000 francs CFA pour faire vacciner son fils contre la rougeole au centre international de vaccination de Yaoundé. « Ce n’est pas à la portée de tous les Camerounais. Pour moi, c’est juste un sacrifice », déclare-t-elle. Elle trouve les coûts élevés, ce qui « décourage beaucoup de femmes à faire vacciner leurs enfants. Parfois, certains parents attendent les campagnes de vaccination parce qu’elles sont gratuites ».

Des femmes de Yoko, région du centre du Cameroun font la queue pour faire vacciner leurs enfants contre la rougeole. Crédit: Messinde Otthou
Des femmes de Yoko, région du centre du Cameroun font la queue pour faire vacciner leurs enfants contre la rougeole.
Crédit: Messinde Otthou

Mais le Dr Shalom du Programme Élargi de Vaccination rejette ces affirmations. “On ne paie pas le vaccin contre la rougeole au Cameroun. Si on paie, alors, c’est une faute grave. Il y a un service au ministère de la santé publique qui fait de l’inspection de ce genre de situations », rassure-t-il. En outre, il précise: « Avant l’introduction de la deuxième dose du vaccin RR (rougeole- rubéole), certains parents payaient pour avoir la deuxième dose sous forme de ROR (rougeole-oreillons-rubéole) dans les cabinets de pédiatre. Et cette habitude est restée. Nous la combattons énergiquement, parce que le vaccin [RR] est disponible partout à la fois pour la première et la deuxième dose ».

« Le vaccin que nous administrons, c’est uniquement Rougeole Rubéole », précise-t-il. « On n’a pas d’intérêt particulier pour les oreillons. En effet, par rapport au RR, le résultat sanitaire est identique. Le vaccin ROR est coûteux depuis longtemps ».

« On a des communautés qui sont à 180km du centre du santé, situé en pleine forêt »

Le Dr Shalom indique que l’Etat du Cameroun et ses partenaires, en particulier Gavi, s’acquittent du paiement total des frais de vaccination offerts dans la routine. « Pour plus d’équité, on devrait mettre plus de ressources. Cela permettrait la prise en charge des enfants qui n’ont jamais été vaccinés. Il s’agit d’une recommandation de Gavi à laquelle le Cameroun cherche à s’accommoder ».

S’agissant du problème lié aux localités éloignées, il reconnaît que la capacité de l’offre est faible par rapport à la demande. « Par exemple, si on prend le cas du district de Yoko, on a des communautés qui sont à 180km du centre du santé, situé en pleine forêt. Les personnels là-bas ne sont constitués que de cinq personnes, pas plus. Donc, il faut assez de ressources pour aller vacciner ces enfants ».

Priorité aux enfants zéro-dose

Au Cameroun, la riposte contre l’épidémie de la rougeole est en cours dans les 18 districts où l’épidémie est encore active. Une grande campagne de vaccination de suivi est planifiée pour le début de l’année 2023. « On a vacciné plus d’un million d’enfants contre la rougeole du mois de juin à décembre 2021 », a affirmé Dr Tchokfe Ndoula.

Le pays a mis en place une stratégie de vaccination pour atteindre les enfants zéro-dose et les enfants sous-vaccinés. « On a d’abord une stratégie pour l’identification des enfants zéro-dose ; donc dans tous le Cameroun, on a déjà cartographié les lieux où ils se trouvent », confirme Dr Tchokfe Ndoula. « Après cette étape, on priorise les zones qui sont zéro-dose pour apporter les appuis financiers aux équipes de vaccination, qui partent pour vacciner en stratégie mobile ou en stratégie avancée ».

L’autre stratégie, ajoute-il, consiste à renforcer la surveillance avec des acteurs communautaires. « Cela a permis aussi d’identifier les communautés sous-vaccinées parce que les épidémies de rougeole proviennent toujours des zones où on n’a pas assez administré le vaccin. Si on renforce la surveillance, on augmentera les chances d’identifier rapidement les communautés sous-vaccinées ».

Suivez sur Twitter: @AkuaNalova